Le lundi 10 février 2003 une nouvelle de l'AFP tombait comme un couperet sur le monde du cinéma en tranchant une de ses plus belles têtes:

"FRFR FRS0758 4 GA Cinéma-décès Mort du réalisateur Max Pécas, maître de la série B. PARIS, 10 fév (AFP) -
Le réalisateur français Max Pécas, maître du cinéma de série B, auteur notamment de films comme "Belles, blondes et bronzées" et "Deux enfoirés à Saint-Tropez", est mort lundi matin à 77 ans dans un hôpital parisien, des suites d'une longue maladie, a-t-on appris lundi auprès de sa famille. Le réalisateur s'était signalé comme un des pionniers en France du cinéma érotique avec des longs métrages tels que "La baie du désir", "Sexuellement vôtre". Il avait aussi signé des vaudevilles ("On se calme et on boit frais à Saint-Tropez") et des polars ("Brigade des moeurs").
Plutôt laconique, ce communiqué était bien loin de restituer toute la portée du drame qui venait de frapper notre cinéma. Autant vous dire de suite que je fus boulversifié : le maître venait de disparaître physiquement, laissant derrière lui une œuvre intemporelle à la puissance considérable que des générations et des générations entières de cinéphiles redécouvriront avidement. Car bien que désormais absent de la surface de notre belle planète, Max restera à tout jamais vivant dans nos cœurs, dans l'histoire du cinéma et dans celle, non moins glorieuse de la France. Je le dis et le répète donc : MAX 'S NOT DEAD!!! Il vient de rejoindre au panthéon de l'histoire les héros immortels et siège désormais à côté de Jim Morrisson, Jimi Hendrix, Gainsbourg, Ed Wood et bien d'autres que je n'ai pas la place de citer ici. Gloire à lui.... Malheureusement, et une fois de plus, la presse dans sa suffisance a daignée lui rendre l'immense hommage qu'il méritait. Les articles furent peu nombreux et, dans l'ensemble plutôt succincts.




La Vérité :

Je me dois ici de rétablir quelques vérités sur l'approche que j'ai faîte de l'œuvre de Max dans ce modeste site :
En effet comme vous avez du le remarquer, je mélange premier, deuxième, troisième voire quatrième degré et laisse le soin à chacun de démêler les fils de ma toile. Mon but premier est de faire redécouvrir l'œuvre de Max, de divertir, et de railler (entre autre) le monde de la critique à l'objectivité toute subjective. Ainsi dans ma partie "Sa vie, son œuvre", je fabulais en disant :
" Certaines personnes avisées prétendent qu'il aurait eut sa première caméra à l'âge de cinq ans ce qui expliquerait la facilité déconcertante avec laquelle il filmera par la suite; les premières prises étant souvent les bonnes. Adepte d'un réalisme social et passionné par les mystères quasi insondables de la psyché humaine, il se tournera dès ses premiers courts métrages (réalisés dès 11 ans et malheureusement aujourd'hui introuvables) vers un quotidien qu'il magnifiera de son œil avisé. Seuls des titres alléchants comme "La maîtresse nous chauffe les oreilles" ou encore "Viens faire du poney, cousine!" nous restent de cette époque bénie où son talent prends vraiment racine. Car c'est dès 12 ans, sous l'influence d'une puberté précoce, que la découverte des jeux érotiques va donner la dimension dans laquelle s'inscrira, en lettres d'or, toute son œuvre."
Aussi de trouver quelques unes de mes "bêtises" reprisent dans l'article de "Libération" m'a vraiment fait énormément rire. Doit-on y voir le dernier pied de nez du Maître à l'égard d'une profession qui ne l'a jamais comprit à sa juste valeur? Je vous laisse juges...
MaX 'S Not Dead!!!




Article paru dans "LIBERATION" le mercredi 12 février 2003


Max Pécas, as du naze
Mort du réalisateur des "Branchés à Saint-Tropez".


Le cinéma de Max Pécas, mort lundi à 77 ans, tient tout entier (une trentaine de films, de 1959 à 1986) entre deux jugements contradictoires. "Leur seul mérite demeure leur devis, très bas, au niveau du talent du réalisateur (dixit France Observateur en 1962)", d'un côté; "à ce point de ridicule, le film prend une dimension nouvelle et s'offre comme un divertissement réjouissant, remarquablement lamentable (L'Express en 1979)", de l'autre. Ringard définitif ou génie du mauvais goût? Ni l'un ni l'autre mais les deux mon capitaine, tant il est vrai que certaines scènes ont hissé Pécas au rang de génie du ringard: Michel Vocoret plongeant la tête dans un plat de spaghettis de "Mieux vaut être riche et bien portant que fauché et mal foutu" (1979), les lingeries d'Elke Sommer, la piscine dans "Les branchés à Saint-Tropez" ("La vache qu'est ce qu'elle est froide!")... Quoi qu'on pense de son esthétique disparaît un indéniable "auteur", au sens cinéphile : Max Pécas écrivait ses histoires, les tournait, produisait souvent, homme à tout faire de la série Z française.

Pas cher. Plutôt secret - on sait peu de chose de la vie privé de cet homme tiré à quatre épingles-, né en 1925 à Lyon, élevé à Marseille, Max Pécas aurait réalisé ses premiers courts vers 11 ans, dont seuls demeurent les titres, tel "Viens faire du poney, cousine". Un an plus tard, la découverte précoce des jeux érotiques redouble celle du cinéma et détermine sa vocation. Sa carrière débute avec les années 50, assistant sur des films tournés aux studios de la Victorine, près de Nice. Il monte à Paris sur les conseils de Ginette Leclerc, la papesse du rouge à lèvres mal ajusté, rencontrée sur un tournage.
Certains, alors, font la nouvelle vague; Pécas fera du polar coquin: "Le cercle vicieux" en 1959, "Cinq filles en furie", "L'espion à l'affût", "Une femme aux abois", "La main noire" se succèdent jusqu'en 1967. Chez lui, le cinéma ne coûte pas cher, car les premières prises sont souvent les bonnes. "Claude et Greta" est le chef d'œuvre du genre, avec son couple de lesbiennes strip-teaseuses franco-allemand (c'est une coprod...) pris en otage par un pervers sexuel, à la manière dont "Glenn or Glenda" fut celui de l'américain Ed Wood, autre cinéaste méprisé.
Dès le milieu des années 60, Pécas donne à ses films une inflexion sexy, fondant, en 1963, Les films du griffon, petite société de production. A partir de "La baie du désir", 1964, les scènes déshabillées et d'activité sexuelle voilée se font plus nombreuses. Ce sont les beaux jours du Midi-Minuit, salle parisienne du nu et de l'horreur, de Rolin à Bénazéraf ou à Philippe Clair. On vient s'y rincer l'œil dans l'attente du strip-tease d'Elke Sommer ou du bain de Sophie Hardy: chaleur moite, lascive, nuisette découvrant ce que la censure tolère.
Les années 70 sont celles du porno soft. "Je suis une nymphomane" (1970) d'abord, avec Sandra Julien, où une jeune fille de bonne famille, fiancée à un polytechnicien, découvre son insatiable désir à la suite d'une chute d'secalier. Succès incroyable. "Je suis frigide...pourquoi?", "Comment le désir vient aux filles?", "Sexuellement votre", "Banane mécanique" en hommage à l'orange de Kubrick, "French lovers" en 1976. Cette série prend prétexte de l'étude "scientifique" des zones troubles de la psyché féminine, mais la question traitée est invariablement matière à travaux pratiques. La loi X, en 1975, signe l'arrêt de mort du genre. Pécas le comprend, se réorientant illico vers le comique ado.

Fesse et chansons.
Suite au succès de "Lâche moi les baskets", en 1977, Pécas poursuit dans la veine avec son propre mauvais goût : de la fesse, des chansons et le personnage de Cri-Cri (joué par Sylvain Green), attiré par les filles et la bière. "Marche pas sur mes lacets" (1 millions d'entrées...) lance les lamentables aventures de ces bidasses avant incorporation, reprise l'année suivante, en 1978, avec "Embraye bidasse, ça fume". Puis vient "On est venu là pour s'éclater", tourné à l'île Maurice, tentant d'exploiter un autre succès, celui des "Bronzés", avec un GO meilleur dans la drague que pour les jeux. "Mieux vaut être riche et bien portant que fauché et mal foutu" (1979) est peut être son meilleur film, où Sylvain Green et Claus Obalski traversent le Maroc, un camp de nudistes, leur chambre d'hôtel, poursuivis par un crotale.
"On n'est pas sorti de l'auberge" (1982) se révèle la plus grosse production pécassienne, avec Jean Lefebvre en hôtelier tenancier de maison close, Bernadette Lafont, Henri Guybet, Jackie Sardou, apogée d'un système qui se conclut, entre 1983 et 1986, par "la trilogie de Saint-Tropez", écrasant la série concurrente du gendarme : "Les branchés à Saint-Tropez", "Deux enfoirés à Saint-Tropez", "On se calme et on boit frais à Saint-Tropez". Ce sera le dernier Pécas, à 60 ans, carrière sacrifiée par le classement X, en 1985, de "Brigade des mœurs", qui s'annonçait polar chaud à succès.

Découvreur.
Max Pécas restera aussi comme un chef de bande, monarque hautain entouré d'une cour où figurait Claude Mulot, cinéaste porno sous le pseudo de "Claude Lansac", qui coécrit certains films avant de se noyer au large de Saint-Tropez. Des acteurs fétiches également : Sylvain Green, Michel Vocoret, Jean Lefebvre, Jacques Chazot, Henri Guybet. Découvreur de "stars" (Caroline Tresca, Victoria Abril, Ticky Holgado...), Pécas fut redécouvert ces dernières années grâce à M6, qui devrait lui consacrer une soirée spéciale pour services rendus. Par exemple pour cette réplique lancée par Julius dans "Deux enfoirés à Saint-Tropez": "Qu'est ce que vous faites dans la vie, Paul et toi?...-on fait gaffe..."

Antoine de Baecque





MERCIIIIIIIIIII MONSIEUR MAX PECAS ! ! !
L'HOMME QUI A FAIT RÊVER 3 MILLIARDS D'ADOLESCENTS !

mardi 11 février 2003, par Frédéric Vignale, Vincent Bouba

Je vomis déjà ce racisme pseudo intellectuel qui fera fêter, célébrer médiatiquement la mort de Toscan du Plantier et ignorer avec mépris celle d'un des génies du siècle cinématographique : Max Pécas.
Que demande t'on à un réalisateur sinon d'avoir un style, reconnaissable à la première image, un univers qui parle à sa manière de son époque ? Max Pecas avait tout cela et bien plus encore.
Avec son oeil bien à lui, il a compris mieux que personne la société française, a réussi à plaire au plus grand nombre sans varier d'une virgule dans ses scénarii certes parfois faciles mais qu'ils réalisaient en indépendant, sans chercher à recevoir des prix ou l'assentiment de sa profession, sans léchage de cul ou courbettes. Refaisant toujours le même film jusqu'à sa perfection comme Welles ou les plus grands.
Oui Monsieur Max, la France entière s'est tripotée devant vos films jamais porno, parfois un peu idiots, mais toujours festifs, rigolards et plein de soleil. Elle ne doit surtout pas en avoir honte et les puritains peuvent aller se rhabiller !
Réussir une bonne soupe de navets n'est pas chose si aisée que cela ! Vous excelliez dans cette recette-là !
Un jour on analysera vos films dans les cinémathèques et ce ne sera que justice pour votre oeuvre qui fait déjà partie de notre patrimoine national collectif !
Il y a fort à parier que bon nombre de grands réalisateurs se sont nourris du minimalisme et de l'efficacité des dramaturgies pécasiennes, de son sens inné du dialogue. On peut dire qu'il a été un des premiers initiateurs de la sitcom avec Rohmer, 20 ans avant tout le monde, il ne faudrait pas l'oublier.
Max Pécas n'a jamais copié personne, il a construit film après film une oeuvre cohérente où il a mis en scène ses fantasmes dans la plus pure tradition latine et franchouillarde, se moquant des critiques, ne voulant être récompensé que par le rire et les rediffusions de ses oeuvres.
De nombreux grands acteurs du moment ont fait leurs premières armes chez Max et ils feraient bien de s'en souvenir et de le remercier humblement, car le vieux Pecas avait l'oeil pour dénicher de jeunes talents !
Quoi qu'on en dise, Max Pecas a laissé et laissera une trace de son passage sur pellicule et qui n'est pas qu'une trace de sperme ! Toute création qui a rencontré un jour ou l'autre son public est une oeuvre qui vaut la peine d'avoir été vue.
Adieu Max, tes leçons de séduction sur la plage en valent bien d'autres plus pathétiques !
Bonne baise au Paradis des réalisateurs et de tout ce qui rime avec ce dernier mot !

Retrouvez les articles de Frédéric Vignale et Vincent Bouba à : http://www.e-terviews.org


Article paru dans "Télé Obs" (supplément télé du Nouvel Observateur) la semaine du 20/02/2003

Moyen terme

La disparition du réalisateur français Max Pécas n'aura pas fait beaucoup de bruit. Lui-même n'en faisait d'ailleurs plus des masses depuis 1986, et l'échec en salles de "On se calme et on boit frais à Saint-Tropez", qui avait mis définitivement à genoux sa maison de production, les Films du Griffon - trois permanents désabusés. Né à Lyon en 1925, longtemps domicilié à Marseille, puis parisien pour le travail, Max Pécas avait réalisé 28 films depuis 1959, entre polar et cheap, porno généralement soft et comique calibré Panzer. Nous l'avions rencontré en 1993 dans le but avoué de lui poser cette aimable question : "Monsieur Pécas, pensez vous être un cinéaste nul, moyen, ringard?" Avec son pendentif à cornes de taureau, le fringant sexagénaire nous avait répondu : "même si la presse me considère comme un petit bon à rien, je me vois comme un moyen - mais pas un bon."
Texto. Franco de port. Et lucide avec ça. Comme disait Coluche dans un vénérable sketch, "il avait les bras moyen, il avait les jambes moyennes [...] et, paradoxalement, quand on a tout de moyen, on est plus petit que la moyenne". Le cinéma de Max Pécas était plus étroit que la norme, ses films plus petits que la vraie vie dont ils ne captaient que l'écume idiote, à base de gags de camionneurs, de filles topless qui se rêvaient actrices et de situations de comédie nourries aux blagues Carambar. Lettres de noblesse du personnage: il fit beaucoup travailler la censure ("Je suis frigide", "Je suis une nymphomane"), ne décrochant jamais la fameuse "cote catholique" ni le respect minimal de la critique, tout en faisant aimablement tourner sa boutique, la majorité de ses longs métrages lui rapportant de l'argent - jusqu'à la fatale tuile tropézienne.
Parfois, Max Pécas avait des illuminations, et souvent l'instinct de survie. Lorsqu'il vit "Lâche moi les baskets", farce américaine poids lourd, il répliqua sur son sol national avec l'histoire d'un troufion, "Marche pas sur mes lacets". Et alors? Un million d'entrées en France, son record. Trop fort, quand on y songe : tripatouiller sa propre version des gros scores du moment à destination de "la France profonde", comme l'expliquait Pécas qui n'avait pas encore conceptualisé "la France d'en bas", mais une façon toute à lui d'envisager son gentil business: "J'ai aussi fait "Embraye bidasse, ça fume" après "Les grandes manœuvres", des Charlots. "On est venus là pour s'éclater" est sorti un an après "Les bronzés". Les distributeurs me disaient: "Ca, c'est pas mal, pourquoi vous feriez pas dans le même genre?" Du coup, on arrivait toujours à faire des sous-produits."
Tant de discernement pour le plaisir de vivre en filmant des filles à moitié à poil, en fumant des cigarettes et en fulminant contre Giscard d'Estaing, l'homme qui laissa la pornographie flinguer les films fripons: "Il m'a cassé la baraque, ajoutait Pécas, et du coup, j'ai tourné "Luxure" comme un vrai hard. Je l'ai fait bêtement. Ca m'a grillé pendant des années. Alors chez moi, le soir, je m'envoyais du whisky." Drôle de destin que celui de Pécas, entre strip-tease et grosse rigolade, à la bonne franquette. Son insouciance graveleuse nous manquera, un petit peu. Il avait 78 ans.

Philippe Vecchi


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